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Patrick Préjean et Henri Guybet : entre cinéma, doublage et souvenirs complices

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Figure majeure du doublage, Patrick Préjean revient sur les rencontres et complicités qui ont façonné sa carrière : l’exigence de Louis de Funès, la fraternité de Roger Carel, la joie de jouer avec Gérard Hernandez. En écho, les anecdotes d’Henri Guybet et les souvenirs de deux grands disparus — Claude Giraud et Pierre Tornade — dressent le portrait d’une génération pionnière dont les voix ont bercé des millions d’enfances.

Les leçons de Louis de Funès

Patrick confie avec simplicité qu’il ignorait que Louis de Funès avait lui-même fait du doublage : un sujet dont ils n’ont donc jamais parlé. Cela n’enlève rien à l’essentiel : aux côtés de De Funès, il a énormément appris, des réflexes et une exigence qui l’ont accompagné « toute sa carrière ».

Je ne savais pas qu’il avait fait du doublage… et j’ai pourtant tant appris en travaillant avec lui.

— Patrick Préjean

Roger Carel, un frère de scène et de vie

Pilier du doublage français, Roger Carel fut pour Patrick un compagnon de route. Ensemble, ils tournent une série à travers le monde et partagent des sessions mythiques : dans Winnie l’ourson, Patrick est Tigrou, Roger est Winnie.

Laura, ma fille, a grandi avec Roger : il lui racontait des histoires. Leur salut complice restait « ouhhh le loup ».

— Patrick Préjean
Extrait de Winnie l’ourson — Tigrou (P. Préjean) & Winnie (R. Carel).
Roger Carel et Patrick Préjean
Avec Roger Carel.

Gérard Hernandez, la franche rigolade

Avec Gérard Hernandez, le sérieux du plateau cède souvent la place à la camaraderie. En doublage comme sur Scènes de ménages, « la franche rigolade » nourrit le jeu.

On adore travailler ensemble : l’envie et l’humour sont contagieux.

— Souvenir rapporté de Patrick

Des compagnons de doublage inoubliables

Henri Guybet — le trac, la bravoure et l’audace

Malgré l’expérience, Henri Guybet confie avoir toujours peur en passant derrière le micro — une sincérité qui honore l’art du doublage.

Même à mon âge, j’ai toujours eu peur de passer derrière le micro.

— Henri Guybet

Pour Salomon dans Les Aventures de Rabbi Jacob, il s’attend à deux ou trois jours de tournage ; dans le métro, en lisant le script, il réalise qu’il est presque toujours aux côtés de De Funès : « il allait falloir s’accrocher ».

Dans le bureau de Gérard Oury : « Êtes-vous juif ? » — « Non, mais si le rôle est conséquent, ça peut s’arranger très vite. » Un blanc… puis un sourire.

— Henri Guybet

Toy Story : la directrice américaine du film aime tellement son doublage qu’elle reprend ses onomatopées pour la version originale — hommage rare à une création française.

Et un constat sur l’évolution des pratiques : « avant », cinq personnages à l’écran, cinq comédiens alignés à la barre, une respiration commune propice aux émotions (et aux bêtises) ; « aujourd’hui », l’isolement en cabine facilite l’organisation, mais appauvrit parfois la vibration collective.

Interview d’Henri Guybet avec son fils.
Henri Guybet
Les doublage d'Henri Guybet.

« Laisser un bon souvenir » — que ce soit au cinéma ou en doublage — lui paraît profondément flatteur. Et son conseil aux jeunes ?

Ne pas écouter les conseils : c’est comme donner un peigne à un chauve.

— Henri Guybet

Claude Giraud — la justesse, patiemment

Disparu aujourd’hui, Claude Giraud était réputé pour être au plus près de l’acteur de la VO. Il disait avoir énormément appris en doublant Robert Redford.

À force de revoir les scènes quatre ou cinq fois, je me disais : « ah, moi je l’aurais joué comme ça… ». C’est ainsi que j’ai progressé.

— Claude Giraud

Deux présences l’impressionnent particulièrement : Tommy Lee Jones et Richard Burton, « où l’on éprouve l’admiration de la force qu’ils appliquent ».

Pierre Tornade — complicité, Muppets et fou-rires

Disparu lui aussi, Pierre Tornade partage avec De Funès une joute amicale : De Funès tente de l’arracher au sérieux, Tornade résiste — admiration mutuelle au bout du compte.

Il chérissait ses séances dans Les Muppets avec Roger Carel, Micheline Dax, Francis Lax : des moments « de vraies parties de rigolade ».

Conventions, émotions partagées

Patrick adore les conventions. Les remerciements du public l’émeuvent autant qu’ils réjouissent celles et ceux qui le rencontrent : il incarne une part de notre enfance, de Grominet (Sylvester) à Tigrou, en passant par Bayonne. Avec Roger, Gérard (Hernandez), Gérard Rinaldi et tant d’autres, ils sont les pionniers d’un art populaire et exigeant.

On me dit souvent que je fais partie de l’enfance des gens… En vérité, je suis autant ému qu’eux.

— Patrick Préjean
Patrick Préjean en convention
Rencontre avec le public en convention Sinmanga 2025. Images © La Voix du Nord

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